PPL 1635 : La député Laurence Abeille en remet une couche

Enfin une fine couche comparée à sa précédente proposition de loi n°531 qui avait pour principal objectif la réduction des expositions aux ondes électromagnétique. Après un parcours des plus chaotique dans les méandres législatifs Français, elle a finalement échoué en commission des affaires économiques pour le moment. Mais c’est sans compter la persévérance d’un groupe de députés qui vont utiliser une nouvelle fois la niche parlementaire d’EELV pour tenter de donner un cadre légal plus restrictif aux radiofréquences.

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C’est reparti pour un tour …

L’encadrement par la loi des radiofréquences commence à ressembler à une histoire sans fin et avec ce nouvel épisode on alimente encore un peu plus une fable qui a du mal à se concrétiser. Rétrospectivement seul le décret du 3 mai 2002 issu d’une transposition du droit européen qui elle-même avait été inspirée par l’ICNIRP encadrait les limites d’exposition du public aux ondes électromagnétique mais qui à l’époque avait été votée à la va-vite, ce qui a conduit à la mise en place des normes actuelles qui sont assez complaisantes avec l’industrie de la téléphonie mobile.

Il faudra attendre que le groupe EELV dépose la proposition de loi n°531 le 12 décembre 2012 dans le cadre de sa niche parlementaire pour voir un début de réponse concernant une régulation un peu plus sérieuse mais c’est sans compter le parcours législatif qui a mis à mal cette proposition de loi. Dans un premier temps elle a été vidée de sa substance par la commission des affaires économique et pour finir par être enterrée sans aucun débat à l’Assemblée nationale après le dépôt par la majorité d’une motion de renvoi en commission qui a été adopté, ce qui était synonyme de son enterrement pure et simple.

Même si la commission a été à nouveau réunie pour traiter ce sujet, ça ressemblait plus à une manœuvre politique du PS pour amadouer EELV afin de les faire rester dans la majorité plutôt qu’une réelle remise à plat de la question des ondes … C’est dans ce contexte d’enfumage politique que la député Laurence Abeille et plusieurs autres députés dont Isabelle Attard, vont réitérer leur démarche en utilisant leur niche parlementaire afin de déposer une nouvelle proposition de loi visant à la modération des expositions aux champs électromagnétiques, mais comme nous allons le voir, la proposition n°1635 est beaucoup moins audacieuse.

On trouve quoi dans cette proposition de loi ?

Ce qui marque lorsque l’on parcourt la petite dizaine d’articles que composent cette proposition de loi c’est l’aspect informatif que prend le pas sur tout le reste. Une bonne partie des articles concerne l’information du public comme la mise en place de l’information du débit d’absorption spécifique (DAS) sur tous les appareils émettant des radiofréquences, la mise en place de pictogrammes indiquant la présence de borne WIFI dans les lieux ouverts au public ou encore des campagnes d’information sur les bons usages concernant l’utilisation du téléphone portable notamment en incitant l’utilisation du kit main libre.

Au niveau des mesures techniques on retrouve la modération des expositions aux radiofréquences qui doit être un objectif de politique des télécommunications qui peut se traduire par une rationalisation et un mutualisation des sites d’implantation d’antennes. Le dépôt d’un décret auprès du Conseil d’État qui viserait à rendre plus transparent les nouvelles installations radioélectrique et imposer une meilleure concertation avec les riverains et les responsable locaux. Toujours pour les antennes, le traitement des points atypiques, c’est-à-dire les zones ou l’exposition est supérieur à la moyenne constaté (cf : rapport du COPIC). Autre mesure technique mais cette fois concernant les box ADSL, la désactivation du WIFI et du femtocell par défaut, et une obligation d’intégrer un dispositif afin de désactiver le WIFI facilement.

Dans le reste des articles, on retrouve l’interdiction de faire de la publicité pour tout appareil émettant des radiofréquences (téléphone portable, tablettes) ayant pour cible les enfants de moins de 14 ans. Toujours dans la publicité il serait interdit de promouvoir l’utilisation du portable sans l’utilisation du kit main libre. L’ANFR, l’agence nationale des fréquences quant à elle devra publier une ligne directrice de l’harmonisation des outils de simulation d’exposition générée par les implantations des antennes-relais. L’ANSES, l’agence sanitaire, quant à elle devra mettre en place une veille sanitaire quand a l’impact du déploiement de nouvelle technologie sans fil comme avec la 4G. Enfin en ce qui concerne l’électrosensibilité, le gouvernement devra remettre un rapport sur l’opportunité de créer des zones blanches même en zone urbaine, la prise en compte de cette pathologie en milieu professionnel et l’efficacité de ces mesures.

PPL plus « light » que la dernière fois.

Les différences avec la précédente proposition de loi du groupe EELV sont notables, une des plus symboliques est le passage à la trappe du principe ALARA qui visait à réduire les expositions au public aussi bas que la technologie le permet et une norme limite, qui à l’époque avait été définie à 0.6 Volt/mètre, un peu restrictif quand on sait comment fonctionnent actuellement les infrastructures télécoms, le COPIC dans son rapport démontrait que 90% des expositions se trouvait en dessous des 0.7 Volt/mètre, mais pour ça il faut que les 10% de la population restante soit exposée à des valeurs plus importantes, dans certains cas isolés ça peut aller jusqu’à 15 Volt/mètre. Concernant la mutualisation des antennes-relais qui peut être un bon moyen pour réduire l’exposition, elle est mentionnée un peu en trompe l’œil car ça se concrétise par un décret d’état dans lequel des travaux (préparatoire) doivent voir le jour et non d’un objectif de résultat à terme.

Toujours dans les mesures techniques dont l’utilité est toute relative, la mise en place de la désactivation de l’internet sans fil sur les Box ADSL. Non pas que ça soit inutile en soit mais surtout que sur le marché ADSL français, la plus part en sont déjà équipé soit par la désactivation dans une interface web ou via un bouton présent directement sur la box. En revanche la modulation de la puissance du WIFI qui était pour le coup une idée très intéressante, qui permettait d’adapter la puissance d’émission en fonction de la surface à couvrir, a quant à lui disparu de ce projet de loi. Pour ce qui est du WIFI dans les écoles, ça avait déjà été proposé et par deux fois cette proposition a été rejetée, et par la commission des affaires économique pour la PPL 531 mais aussi dans le cadre de la loi de réforme de la refondation de l’école de la République dont l’amendement 163 avait été quelque peu édulcorée.

Dans les pertes diverses et variées on retrouve la perte de l’accord des habitants lors de l’installation des compteurs intelligent, le permis de construire dans le cadre de chaque installation d’antenne-relais et le sujet qui m’intéresse un peu plus, la prise en charge de l’électrosensibilité. Là où la proposition de loi reconnaissait cette pathologie comme maladie environnementale et proposait une expérimentation de zone blanche afin d’accueillir les personnes souffrant de ce mal, il n’est plus fait mention que d' »une demande au gouvernement la remise rapide d’un rapport afin d’apporter des réponses concrètes aux personnes qui souffrent ». Autant dire que dans ce domaine ça ne risque pas d’avancer, même si en apparence l’étude Cochin risque de répondre à cette proposition mais que dans les faits cette étude ne se base que sur une hypothèse de causalité psychosomatique, et il y a donc de fortes chances que ça soit contre-productif. Une autre étude est prévue suite à un appel à projet de l’ANSES qui devra être rendu courant 2014 mais vu comment son précédent rapport était timoré sur les radiofréquences, ça ne laisse encore une fois rien présagé de bon …

Mieux vaut ça que rien.

Cette proposition de loi est donc beaucoup plus consensuelle et on se demande quel est l’intérêt pour EELV de la déposer quand on sait que sa précédente PPL est toujours dans les tuyaux législatifs. Est-ce pour s’assurer de passer sans encombre aux diverses commissions puis à l’Assemblée nationale sans gâcher une nouvelle fois sa niche parlementaire ou a-t-elle été faite en concertation avec la majorité au pouvoir ce qui expliquerait la frilosité des divers articles qui la composent mais qui aurait l’avantage de garantir son passage dans la loi. Étant donné que je ne suis pas dans les petits papiers de ces politiques je n’aurais pas le mot de la fin et même si la démarche d’EELV me laisse un peu sur ma faim, notamment sur le sujet de la prise en compte de l’électrosensibilité, ça sera toujours un pas de plus vers une régulation plus responsable des radiofréquences qui pour l’instant était un domaine peu encadré malgré certains indices scientifiques qui mettent en doute l’innocuité des ondes électromagnétiques.

Lien officiel :

Proposition de loi : pion1635.pdf
Lien web de la proposition de loi : assemblée-nationale.fr
communiqué de presse : ppl1635 communiqué de presse

Associations :

Priartem.fr : PPL Ondes Laurence Abeille : Proposition de loi sur les ondes… Saison 2

Médias :

Actu-environnement.com : Proposition de loi sur les ondes électromagnétiques : nouvelle tentative
01Net.com : Ondes radio : une proposition de loi allégée revient au parlement (MAJ)
Clubic.com : Une nouvelle loi sur les ondes électromagnétiques passe devant l’Assemblée nationale
Clubic.com : Laurence Abeille : « mettre en place le principe de sobriété par rapport aux ondes »
Lexpansion.lexpress.fr : Exposition aux ondes: les écologistes vont-ils réussir à durcir la réglementation?
Latribune.fr : Loi sur les ondes : les acteurs du numérique s’inquiètent
Universfreebox.com : Projet de loi sur les Ondes Electromagnétiques : vers « une peur irraisonnée » des réseaux télécoms ?

Pétition :

change.org : Soutenez la loi écologiste encadrant l’exposition aux ondes électromagnétiques votée à l’Assemblée le 23 janvier 2014

Cliquer pour accéder à pion1635-1.pdf

3 réflexions sur “PPL 1635 : La député Laurence Abeille en remet une couche

  1. petite rectification : « Mais c’est sans compté » …. « Mais c’est sans compter » …..

    sinon faire face aux lobbys que ce soit de la téléphonie mobile ou autre c’est assez complexe. Et faut lutter aussi face à nos « chers » politiciens qui sont proches de ces gens là … affligeante société ! courage pour ce combat et au pire …. démontons ces antennes !

    • Merci pour la faute, c’est corrigé.

      Le lobby défendent leurs intérêt pour que l’industrie du télécoms puissent continuer à générer des bénéfices, quand on rajoute à cela que l’Etat touche des milliards grâce a la vente des fréquences et aux dividendes de la société Orange, ça complique encore plus la tâche de la mise en place d’une régulation sérieuse vu les conflits d’intérêt qui ce trament en arrière plan, il est loin le temps ou l’intérêt général prévalait sur les intérêts privé …

      Démonter les antennes c’est courir le risque de ce monter à dos toute une population qui est addict à leurs joujoux électronique, ça risque d’être contre-productif et de cristalliser la défiance envers les militants « anti-onde », informer sur les effets des ondes et faire du lobbying est à l’heure actuelle la meilleure solution, dommage qu’on ait pas les milliards que rapportent la téléphonie mobile pour avoir assez de poid. De toute façon il faut bien comprendre que c’est un combat d’avant garde et que ça risque de prendre du temps avant que ça bouge, et malheureusement certains l’apprendront à leur dépend, un peu comme moi …

      @+ Jay

      • et les Lobby écolos ?
        Comme Madame Cindy Sage très active sur les ondes (mais dans ce cas cela ne la gêne pas !) :Cindy Sage, co-éditrice et principale rédactrice du rapport BioInitiative, est également gérante d’un cabinet de consultants spécialisé dans les domaine de la protection contre les champs électromagnétiques.
        Pour attirer des clients , soyons à la source de leur « besoins » !

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